lundi, octobre 04, 2004


American Civil War Recruitment Poster
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Une lecture de :

Une lecture de La guerre civile aux États-Unis de Marx et Engels

« On peut tromper tout le monde pendant un certain temps et certains pour toujours, mais on ne peut tromper tout le monde éternellement »
Abraham Lincoln[1]

Contrairement à l’image communément véhiculée qui fait de Karl Marx un observateur de situations essentiellement européennes, ce dernier a su être un témoin privilégié de la situation politique précédant la Guerre civile aux États-Unis. En effet, il a pu observer de près le climat de tension, les bases de celui-ci, et le développement d’un climat de guerre civile en terre d’Amérique, qui se développait entre le Nord et le Sud de l’Union. Marx, qui dépouillait aussi les journaux d’outre-Atlantique, qu’ils soient anglais, français voire même russe en profitait même pour écrire certaines chroniques à l’attention de journaux américains tels le New York Daily Tribune. Il se prêtait aussi au jeu pour le compte de journaux allemands comme le Die Presse, en plus d’entretenir une correspondance soutenue avec son collaborateur Friedrich Engels. L’objet du travail consistera en une étude critique de l’ouvrage La guerre civile aux Etats-Unis de Marx et d’Engels. Il est à noter que les écrits militaires rédigés avec l’aide d’Engels n’ont pas été retenus pour les fins de l’étude, qui portera plutôt sur l’évolution des facteurs économiques et politiques dans l’étude qu’en fait Marx. Nous aborderons donc en premier lieu le rapport développé tout au long des textes de Marx entre le colonialisme et puis l’impérialisme. En second lieu, nous traiterons de la question de la propriété, plus particulièrement du rapport entretenu entre la propriété publique et la propriété privée, dans le développement du capitalisme en terre des États-Unis d’Amérique. Enfin, il sera possible de développer sur la distinction entre la ville et la campagne, le tout évidemment dans le cadre d’une analyse centrée sur la rupture entre deux modes de production différents, soit le mode de production agraire, extensif et précapitaliste du Sud et le mode de production industriel, intensif et capitaliste propre au Nord de l’Union américaine.



Rapports entre colonialisme et impérialisme
Colonialisme en Amérique du Nord
En tout premier lieu, les origines coloniales des États-Unis d’Amérique apparaissent comme importantes si l’on veut saisir tous les soubresauts de leur histoire. Ainsi, la colonie américaine sera ouverte sur la côte Est et d’abord développée comme une colonie de peuplement par les Britanniques. Ce mode de développement s’oppose bien entendu à un développement de colonie-comptoir plus propre à l’émergence d’un capitalisme marchand fondé sur l’échange, tels qu’ont pu le pratiquer par exemple les Hollandais, les Français, les Portugais et les Espagnols. De plus, la colonie de peuplement comme forme d’occupation de l’espace se trouve d’abord fondée sur un mode de production foncièrement agraire, en ce qu’elle vise l’établissement et l’enracinement de colons en vue d’un accaparement de la terre. Les occupants légitimes du sol, les Amérindiens seront d’ailleurs constamment repoussés vers l’Ouest, alors que leurs terres seront achetées, volées et pillées. Cette occupation de la terre entraînera donc une croissance économique assez rapide marquée par une poussée vers l’Ouest, généralement nommée la « seconde vague d’émigration ». De plus, la concentration progressive de populations dans les villes du Nord-Est et l’amélioration des moyens de production liés à la Révolution industrielle va favoriser le déploiement de nouveaux et nombreux pôles industriels. Ainsi, de grands centres industriels naîtront, principalement dans la zone maintenant connue sous le nom de Nouvelle-Angleterre. Cette poussée démographique modifiera profondément la structure de production du pays, alors marqué par deux phénomènes, l’esclavage et le travail libre. Par exemple :
« En 1790, moins d’un million d’Américains vivaient dans les villes. En 1840, ils sont onze millions. Entre 1820 et 1860, la population de New York passe de cent trente mille à un million d’habitants. [2]».

L’accroissement de population au niveau des milieux urbains est principalement attribuable aux fortes vagues d’immigration venues d’Europe, ce qui prouve bien que les États-Unis sont et demeurent une « colonie européenne » fort longtemps après leur indépendance politique de la Grande-Bretagne, survenue en 1776.


À cet égard, Marx est formel, il considère que la Révolution américaine n’a pas été réellement aboutie, ce qui reviendrait donc à dire que les États-Unis constituent toujours de fait une colonie de l’Angleterre, au moins au niveau de la production et de l’échange industriel. Dans les faits, cela est plausible étant donné que les rapports de production capitalistes, comme ceux d’Angleterre, vont souvent s’appuyer sur des rapports sociaux précapitalistes, tels ceux présents dans la zone Sud de l’Union. Il s’agit là d’un processus d’accumulation primitive classique, en ce que le capitalisme a dû pour consolider sa base mettre à profit des modes de production préexistants, tous précapitalistes. Marx fait ainsi remarquer que la principale activité économique en Angleterre dans les manufactures est la transformation du coton, en provenance de l’Amérique majoritairement des zones esclavagistes. Cela lui permettra d’ailleurs d’affirmer que :
« […] les fabricants de coton anglais […] s’appuyaient sur un double esclavage : l’esclavage indirect de l’homme blanc en Angleterre et l’esclavage direct de l’homme noir de l’autre côté de l’Atlantique.[3] »

Marx fait donc ici référence à l’esclavage salarié qui est vécu par les prolétaires anglais, ce que nous pourrions aussi nommer du servage volontaire. Il démontre clairement que le salariat britannique vient s’appuyer sur un mode de production précapitaliste lié à l’esclavage. Cela vient une fois de plus nous démontrer les liens tissés au sein même du colonialisme entre les colonies et le centre, généralement désigné de manière spécifique comme l’Empire. Évidemment, cette analyse est valide même si dans le cas du rapport entre les États-Unis et l’Angleterre il n’y a aucun lien formel ou institutionnel de domination, seulement des rapports d’échange, de production et d’exploitation économiques. Marx se fait encore plus clair lorsqu’il ajoute qu’:
« En somme, il fallait pour piédestal à l’esclavage dissimulé des salariés en Europe l’esclavage sans phrase dans le Nouveau Monde. [4]».

Cela montre donc que les différents modes de production, du moment où ils s’inscrivent dans le marché mondial vont devenir interconnectés, participant à un même travail continu. C’est ce réseau désormais mondial qui permet d’articuler entre eux les échanges les mettant en compétition afin de réaliser l’accumulation primitive.
Cependant, ce rapport entre colonialisme et impérialisme est progressivement en voir de changer alors que les États-Unis sont à cette époque en voie de supplanter l’Angleterre par une industrialisation accélérée. La prochaine nation impérialiste à récolter les fruits du marché mondial et à relever le flambeau d’un Empire britannique sur le déclin sera évidemment le « rival capitaliste » américain. Selon Marx, ce transfert qui se produira de l’Angleterre aux États-Unis d’Amérique est d’abord attribuable au facteur contingent de l’immigration massive des Irlandais sur la côte Est américaine. En effet, ces derniers sont contraints de s’expatrier en raison de la maladie de la pomme de terre, qui va ainsi entraîner un transfert de capital humain d’Irlande, alors sous la domination anglaise, jusque sur la côte Est, le tout dans des conditions misérables. Il s’agit là évidemment d’impondérables et nous pouvons affirmer qu’il est question aussi de la manière dont : « […] le capital naît, se développe, décline et meurt. [5]».

D’ailleurs, en ce qui concerne l’esclavage, ses principaux tenants forment une oligarchie d’environ trois cent milles propriétaires terriens, vivant pour l’extrême majorité au Sud de l’Union. C’est ainsi que ceux-ci, non contents de l’obtention de la légalité de l’esclavage dans leur région du pays, vont en plus tenter par divers moyens politiques de fonder l’esclavage comme institution nationale. C’est donc dire si l’esclavage comme rapport social doit, un peu à la manière du capitalisme, s’assurer d’une expansion territoriale continue pour assurer sa survivance. En ce sens, il est mémorable que: « […] les leaders du Sud ne se [soient] jamais fait d’illusion sur la nécessité absolue de maintenir leur hégémonie politique aux États-Unis. [6]». En effet, ils furent même les premiers à tenter de s’assurer que: « [l]a politique intérieure aussi bien qu’extérieure des États-Unis se mit au service des esclavagistes.[7] ». Sous la présidence de Buchanan, qui avait de fortes sympathies esclavagistes, la politique extérieure américaine fut adaptée en fonction du manifeste d’Ostende, qui fait référence au fait d’acheter aux Espagnols, voire même de prendre par les armes Cuba pour en faire une zone ouverte à l’esclavage.

Pour eux, cette hégémonie politique garantissait leur puissance économique, ce qui comptait en dernière instance. C’est pourquoi certaines prises de contrôle économique et politique furent décidées au Mexique, à La Grenade et au Nicaragua à cette époque. Il s’agit là évidemment d’une démarche et d’une conception des relations internationales proche de celle qui sera mise en application par les États impérialistes européens, plus particulièrement au cours de la décennie 1880. Nous tenterons maintenant de faire le lien entre les rapports de propriété public et privé.

Rapports de propriété public et privé
En ce qui concerne les rapports de propriété public et privé, il convient d’opérer d’abord certaines distinctions. Ainsi, la propriété publique, qu’elle soit communale ou étatique, a été préexistante à une appropriation privée du sol. Il est à noter que le type d’appropriation privée du sol peut prendre deux formes. Premièrement, il est possible que le fermier soit lui-même possesseur de sa propre terre, nous parlerons alors généralement des « hommes-libres », en ce sens qu’il exploite lui-même ses propres terres lui appartenant. Ensuite, le deuxième type d’appropriation privée prend une forme aliénée, en ce que la personne qui travaillera la terre le fera dorénavant pour le compte de quelqu’un d’autre, le tout contre salaire. Ce deuxième type de propriété privée est donc rendu possible à l’époque industrielle, après que la propriété collective ait été démantelée. Il permet aussi une appropriation privée des moyens de production.

Ce n’est donc pas pour rien si la propriété privée réclamée par les « free soilers » a été fortement limitée aux États-Unis. En effet, cette dernière entravait fortement le libre développement de l’industrie, qui manquait alors cruellement de main-d’œuvre, en maintenant une bonne proportion de fermiers dans un mode de production non-capitaliste. Ainsi, à un certain moment, les partisans de la terre libre se trouvèrent en compétition avec les esclavagistes quant à l’expansion et à la colonisation de l’Ouest du pays. Les premiers parvinrent même à faire voter « l’attribution gratuite de parcelles de terre libres dans l’Ouest considéré comme domaine d’État [propriété publique]. [8]».

C’était évidemment sans compter les nombreuses embûches légales qui furent posées afin de limiter la libre-accession à la propriété privée chez les colons. Par exemple, c’est dès 1854 que fut voté à la Chambre des représentants une loi sur la liberté du sol. Cependant, dès que cette loi vint en discussion au Sénat, elle fut battue par des Démocrates du Sud.
« Ce n’est qu’en 1860 qu’elle fut votée avec cette restriction cependant : la terre n’était pas attribuée gratuitement, mais contre paiement de vingt-cinq dollars par acre. Pourtant, le président Buchanan lui opposa son veto. [9]».

Il faudra alors attendre 1862 pour que cette loi soit finalement adoptée, suite à la victoire des Républicains et à la défaite du Sud. Il faut comprendre, à la suite de Marx que cette vente, par le gouvernement à un prix échappant à la loi de l’offre et de la demande, venait limiter énormément la possibilité pour un travailleur immigrant d’accéder à une propriété privée qui lui soit propre[10]. En effet, le coût, hautement prohibitif venait demander au moins quelques années de travail d’économie. Évidemment, cela obligeait les immigrants n’ayant pas accès à une fortune considérable à vendre leur travail contre salaire aux capitalistes industriels de la côte Est, au moins le temps d’amasser un capital suffisant… D’ailleurs, il peut être intéressant de mettre en parallèle cette extrême difficulté d’accessibilité à la propriété pour les simples travailleurs avec les grandes largesses concédées aux lignes de chemins de fer qui:
« [e]ntre 1850 et 1857 obtinrent quelque dix millions d’hectares de terrains publics exempts de loyers et des millions de dollars d’emprunts accordés par les législatures des États. [11]».

Évidemment, il s’agit là de la troisième force qui commençait à se faire entendre en ces années-là aux États-Unis, soit la future classe dirigeante, celle des capitalistes industriels. C’est donc dire si la classe capitaliste industrielle a pu bénéficier du support des différents États question de pousser plus en avant l’appropriation privée du sol et fonder à partir de cette terre son hégémonie future sur la nation américaine. C’est de cette manière qu’a été limitée une propriété privée qui aurait pu être bien différente.

Revenons maintenant aux partis esclavagistes et à leur stratégie de saisie de la nation tout entière. Ils tentèrent et réussirent même à faire porter un cas, le cas « Dred Scott » (Missouri, 1857), à la Cour suprême des États-Unis puis à aller y chercher un jugement favorable qui garantirait l’esclavage en fonction de la Constitution américaine[12]. Les juges de la Cour suprême, dont cinq sur neuf provenaient du Sud, reconnurent ainsi la légalité du transfert d’esclave d’un État à un autre. Les juges se basaient sur le fait que l‘esclave était alors considéré légalement comme un bien-meuble, donc de propriété privée, ce qui garantissait le libre usage que pouvait en faire son propriétaire constitutionnellement. Évidemment, cela incluait et garantissait son libre-mouvement, comme tout autre bien d’usage.

Cet argumentaire permettrait donc aux esclavagistes de payer certains de leurs membres pour aller s’établir dans des États comme le Nouveau-Mexique, et y instituer l’esclavage, le tout sans tenir compte du vote populaire de l’État en question. Le parti esclavagiste ne s’en cacha d’ailleurs pas en:
« […] [soutenant] que la Constitution des États-Unis – comme la Cour suprême l’avait déclaré- entraînait dans son sillage; en soi et pour soi, l’esclavage était déjà légal sur tout le territoire et n’exigeait aucune naturalisation particulière. [13]»

C’est là que le problème qui allait causer la Guerre civile se situait : dans cette interprétation trop étroite de la notion de propriété, dans la Constitution, par la Cour suprême. D’autant que cette décision venait remettre en question la valeur du Kansas-Nebraska Bill. Ce dernier devait être compris comme « la reconnaissance que la zone de l’esclavagisme était illimitée aux États-Unis. [14]». Cette dernière loi est considérée comme venant briser le compromis du Missouri, datant de 1820 et qui instaurait une ligne de démarcation entre les États esclavagistes et les non-esclavagistes. De plus pour l’admission des nouveaux États, alors simples territoires, il était prévu de s’en remettre à la « doctrine de la souveraineté populaire dans chaque État sur la question de l’introduction ou non de l’esclavage. [15]». Ce fut ce qui lança les hostilités au Kansas.

D’autant plus que de nombreuses fermes du Sud s’adonnaient maintenant à l’élevage d’esclaves dans le but de les revendre à d’autres esclavagistes et ainsi créer un nouveau marché intérieur… Et que le trafic d’esclaves qui avait été rendu illégal en 1808 se poursuivait toujours abondamment devant l’inaction des autorités.

À la conjonction entre la condition d’esclave et de celle d’homme libre, une troisième catégorie est donc née, soit celle du travailleur qui n’a que sa force de travail à vendre, du prolétaire. Ce dernier est en effet libre d’acquiescer à un contrat « librement consenti », « d’égal à égal », tel que qualifié par les économistes libéraux. Toute chose étant égale l’une par rapport à l’autre, le prolétaire n’en demeure pas moins obligé de reproduire sa propre force de travail, si ce n’est de se reproduire socialement. Il se trouve donc structurellement à la merci du donneur d’ouvrage, en ce qu’il ne possède par définition aucun capital pour l’appuyer dans une quelconque négociation salariale. À cet égard, il est possible pour nous de considérer l’esclavage comme une catégorie transitoire vers le capitalisme, vers le travail salarié, qui forme aussi probablement un mode de production tout aussi transitoire dans l’histoire de l’humanité. Nous allons maintenant tenter d’étudier les rapports entre ville et campagne dans le cadre de la Guerre civile américaine.

Rapports entre ville et campagne
Le conflit d’abord larvé puis plus tard officiellement déclaré entre le Nord et le Sud peut à juste titre être analysé comme un conflit entre deux modes de production différents. Ces deux modes étaient le mode de production agricole au Sud, basé sur l’institution de l’esclavage et le mode de production industriel du Nord basé sur le travail salarié et le capital privé (aliéné). Évidemment, c’est le système industriel du Nord qui permettait la création et la participation au grand marché mondial, par l’unité centrale du commerce et de la production. C’est d’ailleurs suite à l’organisation rationnelle et dominante de cette structure de circulation que la reproduction de la force de travail a pu être rendue possible. C’est donc par la production de valeurs d’usage grandissante que le bond qualitatif (et quantitatif) vers le capitalisme s’est opéré.


À ce moment, la production : « […] est le but de l’homme et la richesse le but de la production. [16]». La seconde face de la société capitaliste sera donc celle de l’organisation technique, scientifique et rationnelle du Travail Humain. La terre se trouvant à être le prolongement de l’homme, alors que propriété est défini comme:
« […] le comportement du sujet qui travaille […] à l’égard des conditions de sa production ou de sa reproduction, qu’il s’approprie. [17]».

C’est donc la propriété qui fait de l’homme un objet par rapport à la communauté humaine, pendant que la propriété privée, sous sa forme aliénée crée :
« [d]ans le monde bourgeois, [un] travailleur [qui] existe à l’état de sujet pur, dépourvu d’objet; mais l’objet qui lui fait face est devenu la vraie communauté, dont il cherche à se nourrir et qui s’en nourrit.[18] »

Par conséquent, le prolétaire se voit assujetti par rapport à la structure même de l’économie capitaliste, qui se nourrit de son surtravail. C’est d’ailleurs là directement ce que visent certaines lois qui cherchent à réglementer le passage vers le capitalisme industriel aux États-Unis. Il a aussi été fait référence plus tôt aux lois restreignant le libre accès à la propriété, en tant que régulation sociale, garantie par l’État fédéral et située hors du marché. Ce dernier État qui est lui-même fiduciaire des terres publiques supposé théoriquement viser le bien public et non l’enrichissement personnel. C’est donc suite à un bond qualitatif qui fit de la propriété publique, garantie par l’État américain, une propriété majoritairement privée que l’Amérique du Nord vit le mode de production capitaliste s’approprier le sol… et le pays. Ce dernier sera soumis à l’exploitation inégalée du Capital.

À la fin de la guerre de Sécession, dont le Nord industriel, urbanisé et capitaliste sortit victorieux du mode de production agraire, rural et pré-capitaliste du Sud fut défait et le système d’esclavage lentement démantelé. À sa place fut construit un régime d’occupation du territoire propre à combler les besoins en main-d’œuvre d’une société où le changement constituerait la seule constante pour les décennies à venir… Il s’agissait donc là aussi d’une victoire au chapitre de la division du travail de la ville sur la campagne, du Nord sur le Sud.
D’ailleurs, à ce propos, Marx vient aussi démontrer une fois de plus le caractère apatride du capital, alors qu’il définit New York, capitale économique du Nord-Est industriel victorieux comme :
« New York est au centre du compromis final entre le Sud et le Nord pour deux raisons: c’est le siège de la traite des esclaves, du marché de la monnaie, des capitaux et des créances hypothécaires des plantations du Sud, et ensuite l’intermédiaire de l’Angleterre. [19]».

La victoire du Nord sur le Sud vient donc fonder la victoire du mode de production capitaliste sur le mode de production précédent au niveau du territoire de tous les États-Unis. Il est bien clair par contre que le capital qui circule dès aux États-Unis provient d’une multitude d’endroits situés de par le territoire alors couvert par le marché mondial. L’état d’esclavage tel qu’elle se pratiquait au Sud se trouve donc:
« […] posé comme état historiquement dissous dans le rapport du travailleur aux conditions de production en tant que capital. [20]».

En définitive, il reste clair que le capital circulatoire s’est vu transférer en grande partie de Londres vers New York, alors qu’il avait auparavant été transféré de même en partant de Venise et de Gênes, en passant par Amsterdam, pôle du capitalisme marchand pour aboutir à Londres. Cette ville, bien que capitale mondiale du commerce et du marché ne parvenait pas même à nourrir sa propre population laborieuse et véritable créatrice de richesse. C’est donc la preuve scientifique selon Marx, qui détourne Adam Smith que la richesse des nations est synonyme de pauvreté des peuples, c’est à dire fait abstraction des quelques éléments spéculateurs et possesseurs privés des moyens de production. Le capital n’en reste pas tout aussi amoral, apatride et asocial…

« Le capital abhorre l’absence de profit […] comme la nature a horreur du vide. […] Quand le désordre et la discorde portent profit, il les encourage tous deux; preuve : la contrebande et la traite des nègres.[21] ».



Bibliographie :

- ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, 315 p.

- Le Nouvel Observateur. Karl Marx: le penseur du troisième millénaire ?, Octobre-décembre 2003, 99 p.

- MARX, Karl. « Chapitre XXIX-XXXIII » dans Le Capital section V à VIII, Éditions Flammarion, Paris, 1985, p. 190-215.

- MARX, Karl. L’idéologie allemande, Éditions sociales, 1972, p. 1069-1125.

- MARX, Karl. Principes d’une critique de l’économie politique, Éditions sociales, 1857, p. 312-359.

- ZINN, Howard. « L’autre guerre civile » in Une histoire populaire des États-Unis : de 1492 à nos jours, Éditions Agone / Lux, Paris, Montréal, 2002, p. 245-291.
[1] Lincoln est aussi celui qui fit suspendre l’habeas corpus lors de la Guerre de Sécession américaine
[2] ZINN, Howard. « L’autre guerre civile » in Une histoire populaire des États-Unis : de 1492 à nos jours, Éditions Agone / Lux, Paris, Montréal, 2002, p. 253.
[3] ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, p. 58.
[4] MARX, Karl. « Chapitre XXXI » dans Le Capital section V à VIII, Éditions Flammarion, Paris, 1985, p. 204.
[5] ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, p. 261.
6 Ibid, p. 33.
7 Ibid, p. 45.

[8] ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, p. 257.

[9] ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, p. 258.
[10] MARX, Karl. « Chapitre XXXIII » dans Le Capital section V à VIII, Éditions Flammarion, Paris, 1985, p. 213.
[11] ZINN, Howard. « L’autre guerre civile » in Une histoire populaire des États-Unis : de 1492 à nos jours, Éditions Agone / Lux, Paris, Montréal, 2002, p. 253.

[12] ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, p. 43-44.
[13] Ibid, p. 51.
[14] Ibid, p. 251.
[15] Ibid.
[16] MARX, Karl. Principes d’une critique de l’économie politique, Éditions sociales, 1857, p. 327.
[17] Ibid, p. 337.
[18] Ibid, p. 338.
[19] ENGELS, Friedrich et MARX, Karl. La guerre civile aux États-Unis, Union Générale d’Éditions, Paris, 1970, p. 262.
[20] MARX, Karl. Principes d’une critique de l’économie politique, Éditions sociales, 1857, p. 342.
[21] MARX, Karl. « Notes, Chapitre XXXI » dans Le Capital section V à VIII, Éditions Flammarion, Paris, 1985, p. 259.